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Mme Séverine Lawson et le suivi du dossier ICC Services : «ICC ne reconnait que 15 milliards F CFA et non 70 milliards F CFA»

Mme Séverine Lawson et le suivi du dossier ICC Services

«ICC ne reconnait que 15 milliards F CFA et non 70 milliards F CFA»

Sa mission portée par le décret la nommant au poste, est d’aider à faire l’inventaire des biens meubles et immeubles des promoteurs des structures de collectes de fonds et de placement illégal

d’argent, tout en accompagnant les initiateurs desdites structures dans les opérations de remboursement des sommes d’argent aux déposants qui y ont droit.

 

De son physique de femme ne laissant pas indifférente pour qui savent bien voir et de son sens de la repartie qui désarçonne, Mme Séverine Lawson a pu inspirer confiance au conseil des ministres de son pays. Magistrate de formation, l’Agent judiciaire du Trésor qu’elle est, a en charge le suivi du comité mis en place, à la suite du fiasco enregistré, il y a bientôt un an, par les structures de placement illégal de l’argent extorqué aux déposants de tous bords.

Grace à son expérience accumulée et la respectabilité acquise au fil du temps, elle semble s’acquitter patiemment, surement mais aussi courageusement de la tache qui lui est confiée; une tache dont elle n’hésite guère à parler à qui va à elle.

 

Est-ce que votre structure était habilitée à se mettre au travail sur le dossier?

Je n’ai pas vu dans ma désignation un lien direct avec ma qualité d’agent judiciaire du Trésor. C’est sur les ondes de la radio nationale que j’ai appris que j’étais désignée par le conseil des ministres pour présider le comité de suivi. Je suis magistrat de formation et le Chef de l’Etat ainsi que les membres du conseil des ministres m’ont proposé. Connaissant certainement des qualités de moi, ils se sont dit qu’avec mon tempérament, mon caractère et mes compétences, je pourrais conduire ce dossier dans cet aspect là: à savoir, le suivi de la gestion du dossier sur le plan administratif.

 

Est-ce que ce n’est pas une manière pour le gouvernement de se couvrir, de l’apparence  de justice à quelque chose qui n’a pas été jugé?

Il faut comprendre que ce dossier de structure illégale, de collecte de l’épargne et de placement de fonds dans toutes ses dimensions a été géré de deux manières principales: il y a le volet judiciaire et il y a le volet facilitation de l’Etat pour permettre aux populations de rentrer dans leurs fonds.

 

Mais c’est ce rôle qu’on a dénié au gouvernement…

L’ampleur que le phénomène a prise au Bénin imposait au gouvernement d’intervenir dans le cadre de la solidarité nationale. Il y a de petits déposants qui font que si l’Etat n’intervenait pas, ces derniers ne pourraient pas recouvrer leur dû. En laissant faire la justice uniquement, il est certain que les déposants ne seraient pas payés avant 5 ou 10 dix ans. Je suis magistrat, j’ai été juge d’instruction pendant 10 ans et je connais les méandres de la procédure d’instruction préparatoire. Un dossier qui entre aujourd’hui dans le cabinet d’un juge d’instruction, si c’est un dossier assez simple, par exemple une petite escroquerie, ce n’est pas avant un an que le jugement de l’affaire interviendra. Si le juge n’a que ce seul dossier là, il pourra aller à la vitesse de la foudre. Autrement…

 

En l’espèce, n’aurait-il pas fallu une procédure d’urgence, c’est-à-dire faire nommer un juge spécial pour traiter cette affaire?

L’Exécutif ne s’est pas mêlé de la gestion judicaire du dossier. A la naissance de la crise, il y avait deux possibilités: privilégier la gestion judiciaire uniquement, auquel cas le gouvernement n’avait rien avoir. Les victimes s’organiseraient comme ils le peuvent et intenter les actions idoines. Mais tel que le problème a été créé par la faute de nous tous, ma foi, il fallait proceder comme cela a été fait. C’est une responsabilité collective en commençant par moi qui n’ai pas vu le phénomène venir. Je n’en ai été informé qu’au mois d’avril 2010. Un ami m’a dit il y a une affaire de placement d’argent.  J’ai répondu que c’était trop facile. Je l’ai écouté d’une oreille distraite. Il est revenu à la charge pour me dire avoir remis 500.000 francs pour, à la fin de chaque trimestre, recevoir en retour 150.000 F CFA. Je dis c’est trop beau, je n’en veux pas. «Je l’ai fais et l’ai fais faire à mon patron», insista-t-il. Ce dernier aurait déposé 1.500.000 F CFA et à la fin de chaque trimestre, allait chercher 500.000. F CFA. A chaque fois, j’ai répondu que ça ne m’intéressait pas. Aujourd’hui, j’entends des gens gloser. Mais nul n’est censé ignorer la loi. Malheureusement, beaucoup ignorent la loi. Je n’ai pas honte de dire qu’avant l’éclatement de l’affaire, je ne connaissais pas les textes en matière de placement illégal d’argent.

 

Cela montre les insuffisances de notre Etat et de ses structures de contrôle…

Bien sûr. Mais beaucoup de Béninois ne savaient pas que c’était illégal. Et ils ont tort. Car les promoteurs n’avaient pas d’agrément contrairement à ce que prévoient les textes. Ce qui aurait pu attirer l’attention des Béninois, c’est l’exagération des taux d’intérêt. Et quand je parcours la liste des déposants, j’ai des frayeurs. Car, toutes les couchent de la société sont impliquées y compris les hauts cadres de l’administration, les banquiers, les députés…

 

Mais face à tout cela, l’Etat ne saurait être excusé…

Le Chef de l’Etat lui-même reconnait que l’Etat a failli. L’Etat, ce sont les hommes, les représentants de l’Etat qui ont été placés à des postes de responsabilité. Il y  a une structure de surveillance qui n’a pas fait son travail. Son responsable est aujourd’hui en prison. En principe, avant de s’installer, les structures devraient avoir leur agrément. La Bceao en a été informée et a fait son travail en informant qui de droit. Le ministre des finances saisi par la Bceao a saisi sa structure de surveillance.

 

Et ce n’était plus au ministre de descendre sur le terrain.

Mais on a souvent vu des ministres aller sur le terrain poser des actes insignifiants qu’ils font médiatiser à grands renforts de publicité…

Pour beaucoup, c’est une affaire qui était légale même les promoteurs, à part quelques uns parmi eux qui en savaient quelque chose, ils y ont cru naïvement. Aujourd’hui, ils ont le dos au mur parce qu’ils ont collecté de l’argent, ils ont payé des gens qui ont perçu au-delà de leur mise. Du coup, ils ces promoteurs ne peuvent plus payer les autres et le problème se pose aujourd’hui. Il y a de pauvres étudiants qui se sont lancés dans cette affaire.

 

S’il y avait une sanction contre l’Etat, quelle serait-elle?

Non l’Etat n’est pas punissable. Je ne vois pas quelle pourrait être la punition de l’Etat dans cette affaire.

 

 

Où en sommes-nous actuellement quant à l’état des remboursements?

Nos données évoluent chaque semaine. Là maintenant, nous sommes à 10 milliards 353.186.801 de francs Cfa de payé à des déposants sur un total à payer de 109 milliards. Ce sont de chiffres obtenus au recensement et à prendre avec des pincettes, parce que nous avons des gens qui ne se sont pas fait recensés surtout  les gros montants. D’autres ont trafiqué les contrats; il y a des gens qui ont déjà perçu une bonne partie en intérêts qu’ils ont occultés et qui sont quand même allés se faire recenser. Il faut faire un toilettage. A part ICC Services, au niveau de chaque structure détenant actuellement sa liste, ce toilettage se fait assez vite car nous confrontons notre liste à la leur. Au moment des remboursements, ils vérifient les contrats des déposants et certains ont pu être pris dans la nasse, en flagrant tentatives de fraude. C’est ce qui nous fait dire qu’au niveau des chiffres obtenus, nous devons être très prudents.

 

Sur quelle base se fait le

payement ?

Ce n’est pas nous qui payons. Ce sont les promoteurs eux-mêmes, suivant les orientations du gouvernement: à savoir qu’ils ne payent que le nominal (c’est-à-dire le capital) déduction faite des intérêts déjà perçus. Dans le cas de plusieurs contrats par individu, il y a fusion parce que dans un contrat vous pouvez avoir fini vos échéances et avoir perçu même plus de trois à quatre fois d’intérêts. Certains contrats ont pu arriver à terme pendant que d’autres sont en cours de validité. On fusionne tous les contrats terminés et en cours de validité et c’est le solde qui est payé.

 

ICC Service a-t-elle déjà entamé les remboursements aux déposants?

On s’intéresse aux déposants d’ICC qui est la structure mère. Elle est au centre de ce scandale. C’est la structure qui a collecté le plus d’argent. Cette structure conteste les montants révélés par notre opération de recensement. Ses promoteurs déclarent avoir leurs données, leurs chiffres qui seraient en contradiction avec ceux que nous avons obtenus. Ils ont certainement raison parce qu’il y a le cas de quelqu’un –que les promoteurs connaissent bien apparemment- qui est allé se faire recenser pour 4 millions 50 mille F CFA. Après vérification de leurs données, les initiateurs d’ICC Service se sont aperçus qu’ils ne lui devaient que 1 million 500 F CFA. Tout cela, parce qu’ils ne sont pas des professionnels du domaine bancaire. D’où le gouvernement a dit, ce n’est pas l’Etat qui paye. Il encadre les structures qui ont les fonds disponibles pour le payement.

Les structures que nous avons aidées au remboursement jusque-là, sont les structures dont les promoteurs n’ont pas été détenus. Et nous avons mis fin à leurs activités et ils continuent de payer progressivement leurs déposants, n’ayant pas pu solder leurs dettes d’un seul trait. Lorsqu’une structure détient les moyens pour payer, elle s’annonce, on l’encadre à payer. La plupart des fonds avaient été gelés. Il  a fallu leur demander d’aller voir le juge d’instruction pour obtenir le dégel de leurs comptes, ce qui a été fait. Si on dégelait les comptes et qu’ils avaient accès à ces comptes, il y avait un risque qu’ils disparaissent après avoir dilapider leur patrimoine. Nous leur avons intimé l’ordre de demander le dégel et en même temps le transfert sur un compte spécial sur lequel j’ai signature de la même façon qu’un régisseur nommé. Quand une structure a le montant nécessaire pour entamer une tranche, elle nous envoie son état et sa programmation que nous vérifions pour voir s’il y a suffisamment de fonds sur le compte en son nom. A partir de ce moment, nous autorisons et signons le chèque et nous rassemblons l’argent en déléguant quelqu’un qui l’accompagne dans l’opération de remboursement aux déposants.

 

Et par rapport à ICC Services, dans le concret?

Le montant total placé pour toutes les structures est 161.037.470.525 F CFA. Les intérêts payés sont de 62.560.741.688 F CFA. La différence à payer est d’environ 99 milliards F CFA. Dans tout ça, le montant rattaché à ICC seul est de 109 milliards F CFA, desquels les promoteurs avaient déjà payés 50 milliards F CFA en intérêts. Actuellement ICC doit environ 70 milliards F CFA que nous essayons de mobiliser. Mais la structure conteste ce montant. Les promoteurs disent que selon leur calcul, il ne leur reste plus qu’à payer 15 milliards F CFA. En ce moment, nous n’attendons que la réalisation des biens, c’est-à-dire la vente des biens qui ont été saisis. Le produit de la vente servirait à rembourser les déposants.

En fait, nous invitons les promoteurs qui sont en toujours détention. Nous leur rappelons que la priorité est aux remboursements des déposants. Leurs biens ayant été saisis, ils ont a informer leurs avocats qui sollicitent le juge d’instruction, afin d’obtenir l’autorisation de vendre leurs biens pour mobiliser les fonds dans le but de payer les déposants. Si ces derniers sont payés, le juge se rendra compte de l’effectivité des remboursements aux victimes qui auraient été ainsi désintéressées. Cela pourrait faciliter l’examen de leur demande de mise en liberté.

A la date d’aujourd‘hui, sept structures de placement illégal d’argent dont MIERC ont fini de payer leurs déposants. Il y en a aussi quelques unes qui, si elles étaient mises sous pression finiraient bientôt de tout payer. ICC Service, quant à elle, n’a pas encore démarré les payements. Mais, cela ne devrait pas tarder parce qu’aujourd’hui, nous avons de quoi payer les petits déposants de  0 F CFA à 100.000 F CFA. Ceux-là sont au nombre de 14.000 déposants environ sur la bases résultats de l’Insae.

La Nouvelle Tribune



12/08/2011
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