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Réflexions du Prof; Roger GBEGNONVI

Opinion

Fidélités traîtresses des leaders béninois

Au XIXe siècle, pour échapper à l’impérialisme dévastateur de son cousin d’Abomey, le roi Toffa 1er plaça Porto-Novo sous le protectorat de la France, à l’impérialisme plus fort que celui d’Abomey. A preuve, la France vainquit Abomey et envoya son souverain en exil là même où séjournaient d’anciens esclaves partis du Dahomey, vendus par les leurs. Cette terrible humiliation infligée à Abomey poussa les Hwègbájaví à installer définitivement les Ayinonví en territoire boueux de félonie honteuse. ‘‘Ca leur colle à la peau. Ils ne font que trahir.’’ Affirmation qu’aura eu tendance á illustrer le gros malentendu de 1996, lorsque le leader des Tchokotchoko, également coryphée des Ayinonví, refusa ses voix au leader des Hwèzèhwè, également coryphée des Hwègbájaví. ‘‘On vous l’avait dit, ce sont des traîtres’’.

Pas impossible. Mais à la réflexion, pourquoi Toffa 1er aurait-il pris le risque de voir son royaume vassalisé par celui d’Abomey ? Pourquoi les Tchokotchoko auraient-ils sacrifié pour les beaux yeux d’Abomey les intérêts personnels de leur leader et les intérêts généraux de Porto-Novo ? Pourquoi s’obstine-t-on, du côté d’Abomey, à appeler trahison ce qui, du côté de Porto-Novo, est fidélité rigoureuse à des intérêts personnels et généraux bien compris ? Du XIXe siècle au XXe siècle, Porto-Novo a fait preuve d’une fidélité subjective constante.
Fidélité subjective qu’approuve parfaitement Abomey qui, au travers de la RB, vient, au XXIe siècle, de déserter l’Uni­on fait la Nation (UN) pour se rallier spectaculairement au camp des vainqueurs au Parlement et au Gouvernement. Ralliement d’autant plus alarmant que la RB serait l’initiatrice de la constitution de l’UN, et qu’elle-même et ses partenaires n’ont eu de cesse de dénoncer une LEPI tronquée et une élection volée. Oui ! Mais les uni­ons et les dénonciations, c’est pour prendre le pouvoir et en jouir à son tour dans un pays où, en l’absence d’idée, d’idéologie et de projet de société, la politique se veut un grand banquet où les plus habiles mangent et boivent sans retenue. Sous prétexte d’élections perdues, va-t-on vraiment laisser les gagnants proclamés continuer à se gaver de méchouis pendant que soi-même, par vertu politique, l’on se contenterait de manger des rats galeux, et ce, pendant cinq ans encore ? Aucun prétendu politicien béninois n’est assez vertueux pour appliquer une vertu politique que le Bénin n’a jamais cultivée. La RB a fait le premier pas vers le méchoui, ce qui reste de l’UN fera le second pas, et le peuple, naguère hurlant et dansant pour l’amélioration de ses conditions de vie, restera hagard et bouche bée. Il n’y a jamais de trahi que le peuple.
En son temps, on a fort critiqué une forte déclaration d’un leader béninois pour qui ‘‘les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient’’. On avait cru devoir crier haro sur le bodet, on avait eu tort, et on avait été injuste, car c’est toute la classe politique béninoise qui ne se nourrit que de ce principe tranquillement machiavélique. Du reste, la politique, ici et ailleurs, n’est jamais très loin du Prince de Machiavel. Ainsi, au XIXe siècle, si la France a protégé Porto-Novo contre Abomey, ce fut pour mieux asservir Porto-Novo et Abomey car, comme on le saura plus tard, ‘‘la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts’’. Et l’on a la faiblesse de croire que les auteurs de l’assertion servent vraiment les intérêts de la France et que, s’ils pillent de vastes empire en Afrique ce n’est pas pour s’enrichir personnellement : dans quelle poche enfouir tant de richesses pillées ?
On voudrait pouvoir faire état des mêmes circonstances atténuantes pour les politiciens béninois, praticiens assidus et verbeux des vaines promesses électorales à l’adresse du peuple analphabète, tenu pour bête et crédule, et qu’ils s’interdisent absolument d’éduquer. Mais alors qu’ils n’ont pas de poches assez grandes où enfouir tout ce qu’ils pillent, leurs mentors, qui n’ont que des intérêts, leur ont ouvert de vastes espaces de placement chez eux des richesses pillées de Cotonou à Malanville. Voilà pourquoi la circulation des biens va bon train tandis que celle des personnes achoppe sur Schengen. Un jour peut-être, pour leur simple distraction, ils demanderont aux peuples de se jeter à la mer ou de se précipiter du haut des collines. Alors, lassé des fidélités traîtresses de ses leaders, le peuple béninois se réveillera.

(Par Roger Gbégnonvi)



07/06/2011
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