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Lutte contre la corruption au Bénin: Les députés votent la loi à la va-vite

Lutte contre la corruption au Bénin

Les députés votent la loi à la va-vite

Au terme d’un débat général qui a duré plusieurs heures dans la nuit du lundi 29 août 2011, les députés ont fini par voter le projet de loi portant lutte contre la corruption au Bénin. Seulement, la stratégie des élus de la majorité parlementaire à adopter cette loi en attendant d’y apporter des amendements, n’a pas plu aux députés de l’opposition qui dénoncent une loi votée avec précipitation.


Saisie par le gouvernement depuis 2006 du projet de loi portant lutte contre la corruption, l’Assemblée nationale vient de doter notre pays d’un instrument qui va désormais réprimander corrupteurs et corrompus de même que toute autre personne ayant commis des infractions assimilées à la corruption. En effet, le texte initial de 77 articles après travaux en commission a été porté à 153 articles compte tenu des amendements proposés. Après lecture donc du rapport de la commission étudié en 16 séances, le président Mathurin Nago a ouvert le débat général ce lundi. C’est d’abord l’ajournement de 24 heures demandé par l’Honorable Epiphane Quenum du groupe parlementaire Nation et Développement afin de mieux apprécier le travail fait par la commission avant son étude en plénière qui a été contesté par les députés Djibril Débourou et Chabi Sika. Ils ont fait remarquer qu’une fois l’ordre du jour validé en plénière, il n’est plus question de retourner en arrière.

Un débat général riche en contestation

La création d’un organe dénommé Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc) précisé au titre du chapitre 2 de la présente loi en son article 5, et prévu pour être sous la tutelle de la présidence de la République en son article 7, a suscité l’intervention de plusieurs députés. Le député Nazaire Sado craint que cet organe ne soit pas suffisamment indépendant pour faire son travail une fois placé sous l’autorité du chef de l’Etat. A la demande du député Orou Sé Guéné de savoir si cette loi sera une loi rétroactive, les réponses ne se sont pas fait attendre. Selon le député Charlemagne Honfo, il faut avoir le courage d’aller dans le sens de la rétroactivité afin de permettre à cette loi de sanctionner à juste titre. Même réaction du côté du député Edmond Zinsou, qui a insisté sur cette rétroactivité de la loi afin de braver les actes de la corruption qui ont atteint un niveau inquiétant entre 2006 et 2011, citant au passage les affaires Icc-Services, Cen-Sad, machines agricoles et véhicules d’occasion. Aussi, craint-t-il, l’inefficacité prochaine de l’Anlc si tant est qu’elle sera sous la coupole du président de la République et de beaucoup d’autres structures étatiques. Une question à laquelle la commission des lois n’a d’ailleurs pas d’apporté des éléments de réponses, après l’intervention d’un député qui a laissé entendre que les lois ne sont souvent pas rétroactives. Le député Boniface Yéhouétomé appellera de son côté à la prise de conscience des uns et des autres pour éviter la corruption qui prend d’ampleur dans le pays en dehors du vote de la loi. Au tour de l’Honorable Eric Houndété de relever les incohérences et les imprécisions contenues dans cette loi dont il devrait se contenter s’il n’avait pas eu d’« amères expériences comme la Lépi ». Il a aussi insisté sur le fait que cette loi n’aborde que le volet répressif au détriment du volet préventif. Il fallait aborder les deux volets, précise Eric Houndété. La question relative à l’élévation des peines a été abordée par le député Gabriel Chocodo qui explique que la gravité des peines ne suffit pas pour enrayer la corruption. Pour Saka Lafia, avec l’adoption de cette loi, désormais, la richesse au Bénin ne sera plus suspecte. L’Honorable Louis Vlavonou à lui aussi abordé la notion de la surévaluation qui est un problème délicat et qui selon lui, mérite attention car, elle a plusieurs contours.

Un vote forcé dans la contradiction

Alors que les députés de la majorité parlementaire ont avancé des arguments pour ne pas permettre l’ajournement du vote de cette loi qui malgré son actualisation, comportait encore beaucoup d’incohérences et d’insuffisances aux dires de la minorité composée des députés de l’Union fait la Nation (« Un ») et ceux du groupe parlementaire Nation et Développement, la loi a été votée titre par titre après une suspension. En effet, une fois le débat général bouclé, le président Mathurin Nago a engagé la procédure du vote tout en y apportant en même temps les amendements. Une proposition rejetée par l’Honorable Eric Houndété qui qualifie d’illégaux les amendements introduits en plénière sans passer par la commission. Selon lui, il y avait une décision de la Cour constitutionnelle qui a rejeté les amendements faits en plénière. Un argument qu’a balayé du revers de la main le député Djibril Débourou qui a soutenu qu’on peut bel et bien introduire des amendements en plénière. Il sera appuyé par le président Nago qui a fait remarquer qu’il suffit que cela respecte les dispositions du règlement intérieur de l’Institution. Cette fois-ci, la nuit sera longue pour les députés de la 6è législature qui ont décidé de doter le pays de cet instrument, « gage du développement ». Le projet de loi a été finalement voté au petit matin du mardi à 61 voix pour, 0 contre, 0 abstention. Il faut faire remarquer le départ de plusieurs députés de l’« Un » qui n’ont pas apprécié la non-prise en compte de leur requête afin de disposer de beaucoup de temps pour étudier cette loi. Selon eux, ce n’est que le jour même de la plénière qu’ils ont reçu le rapport de la commission. « C’est un rapport bâclé qu’on a quand même voté, parce que si on s’abstient du vote, la majorité parlementaire va le faire », a expliqué par contre, le député Zinsou. Le député Idji Kolawolé de son côté montrera que c’est une lecture littérale qui a été faite par rapport à cette loi et que rien n’est fait pour contrôler la corruption au sommet de l’Etat. Quant au député Natondé Aké, il a confié qu’il vaut mieux avoir une loi bancale et la corriger après. La ministre de la Justice Marie-Elise Gbèdo, elle, s’est dite satisfaite de l’adoption de cette loi qui participera à une reconversion des mentalités, car la corruption ne permet pas le développement du pays. Pour le moment, les regards sont tournés vers la société civile qui apprécier a à son tour cette loi.

Le Matinal du 31/08/2011



31/08/2011
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