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Internet: Boom de la criminalité au Bénin

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Boom de la criminalité au Bénin

Désignés sous le nom de « Four one nine scammer » au Nigeria, les cybercriminels sont connus au Bénin sous l’appellation « Gay man ». Maxime, jeune élève en classe de quatrième fait ses premiers pas dans le domaine.

Il entend faire des vacances, un temps de formation en cybercriminalité. Son « encadreur », Henry, déscolarisé depuis déjà un an, semble bien maîtriser les règles du jeu. Mieux, il reconnaît avoir fait déjà une « victime » dans le rang de ceux qu’il appelle « les colonisateurs d’hier ». La cybercriminalité gagne visiblement du terrain et appâte de plus en plus les jeunes. Henry n’est donc pas le seul. D’autres jeunes garçons, les yeux rivés sur l’ordinateur, échangent sur leurs diverses fortunes. A les en croire, la tâche n’est pas aussi aisée et décrocher un « contrat » n’est plus facile.

La stratégie est complexe et demande du temps. Le premier canal, les sites spécialisés de vente et d’achat sur l’internet. Le second canal, les réseaux sociaux. Le troisième sur lequel ils font économie de détails, c’est celui relatif à l’envoi instantané des messages dans les mails. Cette dernière formule qui généralement marche bien selon eux, est réservée à un cercle restreint d’initiés.

La stratégie est toujours la même à les entendre et tourne autour des « contrats ». Souvent en position de vendeurs ou de donateurs, ils proposent soit un produit ou un service. Par les sites de recherches, ils parviennent facilement à trouver l’image correspondant à leur offre. Ce peut être un véhicule, un jouet, un animal domestique ou bien d’autres objets utiles qu’ils balancent par le net au correspondant avec lequel ils avaient noué des liens sur les réseaux sociaux. Après la réussite de ce premier coup, ils attendent patiemment leur « heure », c’est-à-dire la réponse favorable de l’acheteur. en cas de succès, ils prennent les contacts du potentiel acheteur qui entre en négociation directe.

Là commence une série de manœuvres, dignes de véritables lascars. La première démarche, prendre soin de camoufler son identité. La deuxième, savoir parler Français et bien franciser ses mots. Déjà avec ces deux aptitudes, le tour semble joué, mais ce n’est pas tout. Il faudra travailler sous le couvert soit d’une entreprise existante ou fictive pour mettre en confiance la victime potentielle. Ceci se passe souvent en matière de grands trocs, ont-ils confié. Une fois qu’ils s’assurent de la bonne foi du correspondant, il fixe la date d’envoi de la marchandise. C’est la coupe sombre de la « mafia ».

Ce que les « gay men » gagnent, ce sont les soi-disant frais de transport de la marchandise ou des formalités douanières. « En 2006, les enquêtes ont révélé plus de 600 cas. Entre 2007 et 2011, plusieurs centaines de cas de cybercriminalité ont été enregistrés. « En fait, nous enregistrons par jour au moins 2 ou 3 cas » a confié le commissaire de la Brigade économique et financière (Bef) Dieudonné Lissagbé Dadjo. L’arrestation des faussaires ne se fait pas sans difficultés. Les agents en charge de la répression de cette infraction se heurtent à de nombreux obstacles qui les empêchent de venir à bout de leur mission.


Beaucoup de victimes, peu d’acteurs arrêtés


En raison de la complexité de l’infraction, les auteurs en charge de la répression de la cybercriminalité, butent contre de nombreuses difficultés dans l’arrestation des faussaires. D’abord, a fait remarquer un agent de l’Interpol, la complicité et la naïveté des auteurs compliquent la procédure d’arrestation. Outre cette difficulté, l’absence d’une loi spéciale réprimant cette infraction du siècle, semble donner carte blanche à ces faussaires qui opèrent en toute quiétude. Mais ne voulant pas créer un vide juridique et laisser le champ libre aux cybercriminels, le gouvernement béninois a, par le biais du Ministère de l’Intérieur, pris l’arrêté n°200/Misp/Dc/Sgm/Dgpn/Serct/Der/Sa. A travers cet arrêté portant création d’une cellule de lutte contre la cybercriminalité, le gouvernement a engagé un combat sans répit contre les cybercriminels.

En effet, lorsque les ‘’gay men’’ commettent leurs forfaits, les victimes saisissent l’Interpol du pays par des plaintes envoyées dans les boîtes électroniques de cette structure. Certains d’entre eux viennent au Bénin et saisissent les institutions judiciaires. Le cas le plus récent, est celui d’une Guadeloupéenne qui a fait appel de fonds de 5 milliards F Cfa. Après avoir été escroquée, elle s’est plainte auprès des tribunaux béninois. Comme elle, beaucoup de victimes saisissent par les boites électroniques, la Brigade économique et financière qui procède à l’arrestation des faussaires. Au Bénin, en moyenne 174 plaintes ont été enregistrées et 92 faussaires ont été jugés et incarcérés. Dans cette bataille, la contribution de l’Autorité transitoire de régulation des postes et télécommunication et celle de la Cellule de la cybercriminalité ont été remarquables.

En effet, saisie d’une plainte, cette cellule mène des enquêtes auprès des cybercafés incriminés en vue d’arrêter les auteurs. Ensuite, ils font appliquer aux prévenus les règles spéciales de la procédure d’arrestation. Par ailleurs, en raison de l’étendue de cette infraction et des difficultés rencontrées dans le monde et dans la sous-région, plusieurs États ont signé la convention internationale sur la cybercriminalité. « Si nous rencontrons des difficultés, nous sollicitons l’expertise de l’instance internationale située en France, qui nous fournit tous les renseignements pour réussir notre mission » a fait remarquer le patron de la Brigade économique et financière (Bef), Dieudonné Lissagbé Dadjo. Outre ces dispositions légales, il a appelé à une synergie d’actions entre les autorités des différents pays et les peuples africains de la sous-région pour une lutte efficace contre la cybercriminalité. Aussi a-t-il souhaité une politique de sensibilisation des populations sur les causes et conséquences de la cybercriminalité.


Des promoteurs de cyber cafés plutôt consentants……


Pour le gestionnaire d’un centre de navigation internet qui a requis l’anonymat, la survie de ces centres dépend en partie de cette activité. « Si on soustrait ce que paient ces jeunes de nos revenus hebdomadaires, notre activité tournera au ralenti, puisque les internautes ordinaires se raréfient au jour le jour et ils ne passent pas assez de temps comme ces jeunes dont l’activité est indissociable de l’internet », a-t-il déclaré. Ainsi, pour la réussite de leur opération, les faussaires achètent plusieurs heures de navigation. Parmi eux, il y a les plus assidus, c’est-à-dire ceux qui sont là toute la semaine et au moins deux fois par jour. Ils font quatre, voire cinq heures le matin et reviennent la soirée plus… parfois des nuits blanches faire quelques heures. On les entend souvent dire « …

Je veux voir les annonces ». Ce sont ceux-là qu’on peut classer parmi les clients fréquents. On ne sait pas trop ce qu’ils y gagnent, mais ils peuvent payer au comptant 24 heures de navigation ou même plus », a-t-il déclaré. Selon ce gestionnaire de cybercafé, il est toujours difficile de comprendre leur mode de fonctionnement. « Ils opèrent à visage découvert. Ce n’est plus un business qu’ils cachent maintenant. Je connais en tout cas les plus fréquents dans mon centre. Mais le contrat qui nous lie ne permet pas de fouiller dans leurs affaires. Ils achètent des heures et moi, je récupère mes fonds. C’est tout », a-t-il déclaré. Même son de cloche chez Alfred, un autre gestionnaire de cybercafé.

Micheline, agent dans un autre centre de navigation internet a confié que le « clan » « gay man » présente les caractéristiques d’un réseau structuré, un groupe élargi dans lequel tous les membres se connaissent et s’identifient. Tout semble, à ses dires établi, selon une hiérarchie telle que, sans signe distinctif particulier, ils arrivent à reconnaître l’ancienneté et la classe de chaque membre. Dans leur mode de fonctionnement, ils foulent au pied la morale. « J’ai été témoin d’un spectacle la dernière fois. Un jeune « gay man » a réussi à faire lever un plus âgé que lui de son siège. Sans crier gare, celui-ci a cédé en le saluant respectueusement.

Des scènes du genre sont fréquentes et il n’est pas rare de voir des groupes de jeunes novices faire profil bas, une fois en face d’un expérimenté qu’eux dans le système », a-t-elle déclaré. Tout ressemble à l’en croire, à une organisation structurée, un réseau solide dans lequel chaque membre reconnaît à l’autre sa place et sa spécialité. Plus qu’un simple groupe de jeunes, c’est visiblement un cercle auquel n’accèdent que les initiés, qui chaque jour se multiplient.


Difficulté de qualification de l’infraction


Les cybercriminels arrivent souvent sans grands soucis à passer entre les mailles de la justice en raison de la complexité de l’infraction et aussi faute d’une disposition en la matière. Toute chose qui rend difficile la procédure de défense et d’arrestation des criminels. En fait, lorsque les charges retenues contre le prévenu sont constituées, le conseil a du mal à demander l’acquittement ou la liberté provisoire de son client. Dans le cas contraire, c’est-à-dire, si de nombreux éléments manquent au dossier ou si les faits présentés par les plaignants ne ressemblent pas aux éléments nécessaires constitutifs de l’infraction, l’avocat du prévenu demande le sursis ou l’acquittement de son client. Toutefois, l’inexistence d’une loi répréhensive ne dispense pas les prévenus de l’emprisonnement ou de paiement d’amende aux plaignants. « Même s’il n’y a pas une loi spéciale en la matière, les faits incriminés sont rangés dans une infraction prévue par la loi. Soit ces faits sont incriminés et punis par l’escroquerie, soit ils sont rangés dans les infractions d’abus de confiance. En effet, c’est surtout pour les cas de fragrants délits que les avocats sont constitués. Une fois constitués, ils défendent ces dossiers sur la base des textes de l’escroquerie ou d’abus de confiance », a fait remarquer Maître Charles Badou.



25/08/2011
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