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Commission chargée des réformes: Ce que pense le Professeur Nicaise MEDE

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La commission nationale chargée de se pencher sur le dossier des réformes politiques vient d’être installée. Le CERAF en prend acte et en tant que think tank formule les observations suivantes :

1. En premier lieu, la commission paraît bien pléthorique au regard de son cahier des charges. 30 commissaires pour un gouvernement de 21 membres, cela donne l’impression qu’il ne s’agit plus d’une commission technique mais d’une assemblée nationale bis. Le travail à faire ne sera pas un travail technique vu les profils alignés mais une grande délibération sur les points inscrits à l’ordre du jour. Or, la fonction délibérante échoit constitutionnellement à l’assemblée nationale, en l’état actuel de notre système politique. Et même avec cet effectif, il n’a pas été jugé utile d’associer un financier public es qualités pour apporter son éclairage sur les questions sous étude. Le président de la chambre des comptes n’y est pas convié alors qu’on abordera forcément le dossier de son organe. Si on a pu aller à 30 on peut glisser à 31 et rendre à César ce qui est à lui. Cependant, la bonne méthode aurait consisté à réunir un petit groupe de trois à cinq experts qui ferait la compilation-synthèse des travaux existants et les transmettrait au gouvernement pour adoption et dépôt sur la table des députés, investis de la fonction de délibération (assemblée délibérante) dans notre pays. Car, l’essentiel du travail a déjà été fait par différentes commissions : commission Ahanhanzo Glèlè, commission Gnonlonfoun, commission sans nom à la présidence et surtout la commission Koussé Alidou sur la Cour des comptes. Bien évidemment, il y a les propositions de réforme politique du candidat Talon à examiner aussi. Mais ce travail ne pourra pas être fait par la commission installée car il faudrait en amont faire des études d’impact sur les différentes idées avancées : réduire la toute puissance du chef de l’Etat, faire du délestage institutionnel (suppression des institutions « dortoirs »), etc. L’étude d’impact pose les questions évaluatives suivantes : qu’est-ce qu’on y gagne, qu’est-ce qu’on y perd, est-ce que ça marche, qu’est-ce que cela nous coûte, est-ce que tout ceci a un sens ? Ce travail d’étude d’impact législatif est un travail d’experts, un outil d’aide à la décision en connaissance de cause. Les grandes démocraties sont converties à l’étude d’impact législatif depuis des décennies. Ceci évite les déconvenues liées à la gestion circonstancielle des évènements, la gestion du court terme.

2. En second lieu et cela est un autre débat, il nous paraît que la commission des réformes politiques ne devrait pas être, chronologiquement, la première à s’installer et à capter l’attention et occuper l’espace des actualités. Les béninois ont élu le premier président de la république qui ne soit pas un salarié, mais un créateur de richesse. Est-ce anodin ? L’angle sous lequel les électeurs l’attendent est évidemment l’aspect très prosaïque de leurs vécus au quotidien : les étudiants veulent des laboratoires de TP, la vendeuse de moutarde à Houndjroto veut que les gratuités décrétées soient vraiment gratuites, l’éleveur de Tchatchou veut des points d’eau pour son bétail, le producteur de tomate de Kouandé veut des routes pour acheminer sa production sur les marchés urbains. Celui qu’on attend, c’est le ministre du développement qui va nous dire comment il entend faire reculer la pauvreté avec une croissance démographique de l’ordre de 2,9% et une petite croissance économique de 6%. Comment se présente l’agenda du « miracle » sur les cinq prochaines années ? La constante dans nos pays africains francophones, c’est l’hypertrophie du débat politique et constitutionnelle. Tout se passe comme s’il y avait des constitutions parfaites et qu’il suffit d’atteindre ce niveau de perfection constitutionnel
le et le bonheur des peuples suit. Les japonais n’ont même pas eu le privilège d’élaborer la leur par eux-mêmes et pourtant le pays a occupé pendant plus de 5 décennies la classe de 2ème puissance économique du monde. Ni Singapour ni le Botswana ne connaissent de révision constitutionnelle et pourtant le premier est n° 1 dans les classements de doing business ! Un certain Kéba Mbaye, ancien président de la cour suprême du Sénégal, ancien juge à la cour internationale de justice de la Haye et un des pères fondateurs de l’OHADA (droit des affaires) fait cette remarque désabusée : lorsqu’on interroge les marocains « sur la situation de leur pays, ils parlent non de politique mais plutôt d’éducation, de santé, de salubrité, d’ordre et de discipline (…) quand on interroge un sénégalais sur la situation de son pays, il parle de remaniement ministériel, de querelles ou de limogeages politiques » et on pourrait ajouter de révision constitutionnel
le et de financement des partis politiques (K. Mbaye, Leçon inaugurale à l’UCAD, 2005). Vous remplacez sénégalais par béninois et la phrase est tout aussi pertinente. Notre classe politique vit en vase clos et en situation d’apesanteur. Et elle s’étonne ensuite que les populations lui préfèrent toujours un « travailleur » aux braves militants des partis politiques.
Enfin, en guise de conclusion, il faut dire partout et toujours que le Bénin est entré dans une réforme majeure, celle de ses finances publiques. Cette réforme est une réforme globale qui va rendre possible la modernisation de l’Etat, la modernisation de notre appareil administratif, et donc les prérequis de notre bien-être collectif qu’on appelle le développement. Les mots-clés sont : travail, travail, travail, efficacité, méthode, rationalité. Ces mots, le Président Talon les connait, de par son parcours professionnel. Alors, enfants du Bénin, débout !

Professeur MEDE Nicaise
Directeur du Centre d’études et de recherche sur l’administration et les finances (CERAF/UAC).



09/05/2016
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