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USA-Afrique

Prime à la démocratie. Oui, mais…

 

Le président américain Barack Obama devrait rencontrer, vendredi 29 juillet, quatre chefs d’Etat africains récemment «élus démocratiquement». Il s’agit de : Thomas Boni Yayi (Bénin), Alpha Condé (Guinée), Mahamadou Issoufou (Niger) et Alassane Dramane Ouattara (Côte d’Ivoire).

 

«La rencontre sera l’occasion de souligner le soutien de l’Administration Obama aux démocraties émergentes, de mettre en avant les partenariats des Etats-Unis avec ces pays et de discuter la construction d’institutions démocratiques fortes, de développement économique et d’une série de questions régionales», indique un communiqué du département d’Etat. Les quatre dirigeants du continent noir vont donc recevoir une sorte de «prime» à la démocratie. Il faut espérer que le geste posé par Barack Obama - après la visite effectuée en juillet 2009 au Ghana - suscitera une «émulation» auprès des autocrates africains lesquels rêvent d’être photographiés, dans le bureau ovale, lors de la poignée de mains avec le locataire de la Maison-Blanche.

Cela étant dit, des questions méritent d’être posées. Les «africanistes» d’Obama ne sont-ils pas allés un peu trop vite en besogne en attribuant l’épithète «démocrate» à des personnalités qui n’ont pas encore démontré leur attachement aux valeurs démocratiques par le respect des droits et libertés et surtout la promotion d’un certain équilibre entre les forces socio-politiques antagonistes? L’invitation de barack Obama ne risque-t-elle pas de réduire le phénomène démocratique à l’organisation d’élections périodiques alors que la démocratie constitue une "manière de vivre ensemble"?


Quelle est la situation de la démocratie dans chacun des pays «nominés»?

Le Bénin. Après une élection chahutée suite à des soupçons de fraude, Thomas Boni Yayi, un ancien banquier, est «réélu» en mars 2011. L’opposition ne décolère pas en parlant de «disparition» de 700.000 électeurs. En 2006, 4,2 millions d’électeurs inscrits, en 2011, il n’y avait plus que 3,5 millions. Plusieurs centaines de milliers de votants ont été écartés de la liste électorale permanente informatisée (Lepi), comme par hasard dans les régions favorables aux forces de l’opposition. «Pardon», c’est le mot trouvé par le président «mal réélu» pour calmer la grogne qui couve. N’aurait-il pas fallu faire recommencer le scrutin ? En avril dernier, des journalistes béninois ont manifesté à Cotonou en dénonçant les violences policières sur les membres de leur corporation. «La liberté de la presse en danger», scandaient-t-ils. Vous avez dit démocratie?

La Côte d’Ivoire.Investi le 22 mai 2011, Alassane Dramane Ouattara (ADO) est arrivé au pouvoir après cinq mois de conflit post-électoral entre les combattants dévoués à sa personne (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) et les Forces de défense et de sécurité pro-Gbagbo. «ADO» concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Les observateurs y voient un risque d’autocratie. En tous cas, les signes prémonitoires sont là. A savoir : l’absence de contradicteurs. Nul ne sait en effet la date de l’organisation des élections législatives. En attendant, les journaux pro-Gbagbo travaillent dans la clandestinité. Les violations des droits humains imputables aux éléments des FRCI ne se comptent plus. Sans vouloir nier les abus commis jadis par les sicaires du président ivoirien déchu, on ne peut s’empêcher de s’interroger si l’avenir peut être construit avec l’esprit de vengeance.

La Guinée.Vieil opposant aux différents dictateurs guinéens, Alpha Condé, élu en décembre 2010, semble inaugurer une «carrière de dictateur» à l’âge de 73 ans. Tous les pouvoirs sont concentrés entre ses mains. Il dirige tout, contrôle tout grâce à trois téléphones portables. L’Etat, c’est lui. «(…), les mauvaises habitudes prises sont telles que je dois surveiller et tout vérifier», répond le président à ses contempteurs. A ceux qui s’étonnent du retard qu’accuse l’organisation des élections législatives prévues en mars dernier, il rétorque : «Pendant cinquante ans, je me suis battu pour la démocratie. Qui oserait me donner des leçons ?» Des nouvelles alarmantes viennent de Conakry. Une quarantaine de personnes civiles et militaires ont été arrêtées au cours de ce mois de juillet suite à l’attaque, vraie ou supposée, de la résidence présidentielle. Plusieurs officiers supérieurs sont parmi les prévenus. Le risque est grand que le régime démocratique amorce une dérive autoritaire. Des précédents sont là. On peut rappeler l’affrontement des forces de Jean-Pierre Bemba à celles de "Joseph Kabila" en mars 2007. Le prétexte était trop beau pour lancer une "chasse à l’homme".

Le Niger. Au pouvoir depuis trois mois, Mahamadou Issoufou est le seul chef de l’Etat dont l’élection s’est déroulée sans heurts. Ni contestation. Ici, on peut parler de consultations politiques libres, démocratiques et transparentes. A peine installé, le nouveau président a posé un acte fort en s’abstenant de faire interjeter appel contre la décision de justice en faveur de la libération de l’ex-président Mamadou Tandja. Une sentence qui n’était pas du goût de l’armée. Ce respect de l’indépendance de la justice est exemplaire. Aux dernières nouvelles, plusieurs militaires ont été arrêtés mardi 26 juillet. Ils sont accusés de tentative de coup d’Etat. Il faut espérer que le président Issoufou résistera à la "tentation totalitaire".

A une année de la fin de son mandat, Barack Obama ne fait plus rêver les Africains. Ceux-ci avaient perdu de vue qu’avant d’être noir, Obama est un Américain. Il a été élu pour servir et défendre les intérêts du peuple américain. Les Africains attendaient croyaient que "Barack" allait booster les droits et libertés en Afrique. Il faut dire qu’ils étaient charmés par deux passages majeurs contenus dans le discours prononcé par le chef de l’Administration américaine le 11 juillet 2009 à Accra au Ghana: «L’avenir de l’Afrique appartient aux Africains»; «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes». Des paroles inoubliables qui n’ont pas été suivies d’actes forts. Il n’est pas trop tard.

Il faut espérer que lors de sa rencontre avec les quatre chefs d’Etat, Obama aura à cœur de rappeler à ses interlocuteurs - et à travers eux, à tous les satrapes africains - que le pouvoir appartient à l’Etat et non à ses détenteurs du moment. Aussi, le pouvoir doit-il être institutionnalisé et exercé par les institutions définies par la Constitution. De même, l’important n’est pas d’accéder au pouvoir mais de l’exercer efficacement en servant le bien commun. Enfin, il n’y a pas de démocratie digne de ce nom sans liberté d’expression ni pluralisme politique.



28/07/2011
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