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La corruption: punir et/ou éduquer?

La corruption: Punir et/ou éduquer?

Il est enfin mort le serpent de mer : le Bénin vient de se doter d’une loi contre la corruption et l’enrichissement illicite. La sixième législature de notre Parlement porte à son actif un acte majeur. Elle inscrit à son palmarès un bon point. Nous avons longtemps épilogué sur cette loi, sans réussir à dégager la volonté politique de la tirer de nos bonnes intentions pour l’exposer au soleil de nos bonnes pratiques sociales.

C’est, désormais, chose faite. Nos députés ont voté la loi. Le chef de l’Etat s’en n’est réjoui dans une adresse solennelle à la nation. Mais quoi après ? Nous disposons d’un cadre de référence juridique pour apprécier et pour juger des cas de corruption. C’est un minimum pour un pays qui aspire à devenir un Etat de droit. C’est une balise contre les ragots qui jugent à la va vite, les commérages qui accusent à la légère ou les cancans qui condamnent méchamment, envie, rancune et jalousie mêlées. Cette loi vient ainsi combler un vide faisant de nous tous des justiciables devant la justice de notre pays.

Mais nous avons davantage retenu la loi dans sa dimension pénale. Nous n’avons vu que le délit et l’arsenal de peines retenues pour le réprimer. Il faut craindre que cette vision plutôt étriquée de la loi ne tourne celle-ci en un moyen de faire l’apologie de la médiocrité, dès lors qu’on peut indistinctement traiter de voleurs tous ceux qui peuvent avoir quelques biens au soleil. Mais également faire de la loi un instrument de répression aveugle et de chantage pour casser de présumés ennemis ou opposants.

Si la loi devait ainsi se pervertir, elle agirait contre le développement de notre pays. La sagesse des nations veut que « Pour vivre heureux, vivons cacher ». Qui serait alors fou de montrer des signes de richesse, sachant qu’il s’expose à la malveillance universelle et qu’il se fait désigner automatiquement bandit ou voleur ? S’il devait en être ainsi, nombre de Béninois qui réussissent honnêtement n’auront pas un autre choix que d’aller planquer leurs biens à l’extérieur, sous des cieux plus cléments ou plus intelligents.

Si la loi, par ailleurs, devait ainsi se laisser distordre, on en ferait un instrument de répression injuste, une épée de Damoclès suspendue sur toutes les têtes jugées indociles ou non coopératives. Un peu comme nous nous servons des redressements fiscaux ou des commissions de vérification pour tenir en respect, ébranler, déranger ou mettre au pas.

Dans leur étude intitulée « Le rôle d’un système national d’intégrité dans la lutte contre la corruption », Peter Langseth, Rick Stapen-Hurst, Jeremy Pope, de l’institut du développement économique de la Banque mondiale écrivent (Citation) : « Le but ultime de la mise en place d’un système national d’intégrité est de transformer la corruption en activité à « risque élevé » et à « profit médiocre », permettant en fait de prévenir les risques de corruption. Et parce que la corruption tend à être un problème de système, il faut d’abord mettre l’accent sur le changement de système, plutôt que sur le blâme et la punition de certains individus. » (Fin de citation).

Il est ainsi clair que voter une loi sur la corruption, c’est bien, mais privilégier les mesures préventives par rapport aux mesures répressives, c’est mieux. Pour dire que la lutte contre la corruption, ou ce qui est tenu telle, pour être efficace, doit être prioritairement conçue comme un problème d’éducation. Une telle éducation est à faire de l’intérieur vers l’extérieur. C’est ce que nous avons appelé en fongbé « Lin vo-djo », concept créé par le Centre africain de la pensée positive (CAPP). Il consiste à tuer, dans le corrompu, dans le corrupteur, « le vieil homme qui sommeille en lui ».

Le « Lin vo-djo » s’appuie sur les idées ci-après :

- Le corrompu n’est pas à jeter, à exclure de la communauté. Il est à éduquer.

- Mais personne ne sauve personne. Il est essentiel d’obtenir la coopération, l’adhésion du corrompu à toute idée d’auto-éducation.

Comme on le voit, la lutte contre la corruption, tout en s’appuyant sur une loi, appelle et implique, une pédagogie spécialisée de l’action. Ce que nous nous proposons de dérouler et de décliner dans une prochaine chronique.


Chronique écrit par Jérôme Carlos
, 02/09/2011



02/09/2011
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